Sur le comptoir de l'auberge de Klari'eth, la femme du tenancier lit un parchemin somme toute assez banal. Lorsqu'elle le laisse pour aller servir un quelconque client sûrement trop pressé, vous vous surprenez à jeter un coup d'oeil.
Il s'agit du texte d'une ballade écrite il y a peu à en juger par la fraîcheur de l'encre noire utilisée, par Lys de Melharpe, pour remercier le couple d'avoir tenu à sa disposition l'auberge une soirée durant, lors d'un concert à la colonie. L'écriture est soignée, et même quelques dessins sont discernables sur la tranche, soit purement esthétiques, soit dûs à des évasions de la pensée de l'auteur.
Quoiqu'il en soit voici le texte à proprement parler:
LE VAISSEAU-FANTÔME DE CARABAS
Au large des îles de Carabas
On dit qu’un étrange vaisseau
Eperonne les vagues et les flots
Quelque temps qu’il fasse
Cela pourrait paraître étonnant
Certes, volontiers je le conçois
Mais attendez… Ecoutez-moi
Et le choc en sera plus renversant
Peu de marins l’ont rencontré
Ou plutôt peu sont encore vivants
Car ce bateau est rempli de revenants
Et le capitaine est un trépassé
Il conduit dans la mort sa goélette
Menant ses « hommes » on ne sait où
Mais on peut entendre son cri fou
Les nuits de grande tempête
Suivez mon conseil, amis de la mer
Et ne vous attardez jamais
Vers Carabas à la nuit tombée
Si vous sentez une tempête dans l’air
A peine avez-vous terminé de parcourir des yeux le texte que la tenancière arrive d'un pas leste, pour continuer sa lecture et par la même occasion une rare occasion de laisser aller sa rêverie quotidiennement refoulée.